Notre Histoire

Histoire des lieux

Fondation de la paroisse: 1736

«Je me souviens»… des commencements de ce berceau du fait français au Canada. Notre premier ancêtre à fouler ce site chargé d’histoire serait Jacques Cartier, en octobre 1535, alors qu’il est en route vers Hochelaga (Montréal) et le mont Royal. Il est le premier à entrer en contact avec les Premières Nations. Les rapides du Sault permettent une pause de la navigation à la hauteur de notre future église, ce qui favorise la présence successive d’explorateurs, de missionnaires et d’établissements. Le sieur des Prairies donne son nom à la rivière en 1610 au cours de l’une de ses explorations. Samuel de Champlain débarque au Sault en 1615. Le 24 juin de cette année 1615, au bord de la rivière, on célèbre la première messe sur l’île de Montréal. Les missionnaires récollets s’y installent.

La tragédie de la noyade du père récollet Nicolas Viel et de son compagnon Ahuntsic, en 1625, donnera les noms de «Sault-au-Récollet» et «Ahuntsic» à notre quartier. C’est dans ce lieu déjà mythique que les prêtres de Saint-Sulpice font construire, en 1696, une fortification pour l’évangélisation des Amérindiens: le Fort Lorette. L’intérieur de l’enceinte fortifiée comprend une chapelle, des habitations et un magasin de munitions. Le Sentier des sauvages, qui longe le côté est du cimetière, conduit tout droit à l’actuelle rue du Fort-Lorette, en cul-de-sac vers la rivière. Juxtaposé à cette rue se trouvait le magasin de munitions, démoli en 1928. Le Sentier des sauvages, premier tronçon de la route vers Ville-Marie (Vieux-Montréal), rapproche les Amérindiens des dangers de l’eau-de-vie. La sécurité le long de ce chemin est souvent compromise. C’est pourquoi les sulpiciens déménagent la mission amérindienne à Oka en 1721.

Les colons français et les Amérindiens qui choisissent de rester sur le site forment le premier noyau de paroissiens. Le statut de paroisse est accordé par l’évêque de Québec en 1736, et on lui donne le nom de La Visitation. On continue d’utiliser la chapelle du Fort Lorette jusqu’à la construction d’une nouvelle église en bordure est des fortifications. Les travaux, confiés au maçon et paroissien Charles Guilbault, débutent en 1749. L’ensemble des travaux se termine vers 1751. L’ouverture au culte, en 1751, culmine par la solennité de la consécration (dédicace) de notre église le 12 juin 1752, à l’occasion de la visite pastorale de Mgr de Pontbriand, évêque de Québec. La chapelle du Fort Lorette sert alors de lieu de rencontre pour l’enseignement catéchétique. Elle sera démolie en 1800.

L’église, devenue trop exiguë, est agrandie en 1850 de deux travées vers l’entrée, avec une nouvelle façade selon les plans de l’architecte John Ostell. Les travaux sont terminés vers la fin de l’année, à temps pour la célébration du 100anniversaire. Sur une pierre au-dessus du portail, on fait graver «1851» pour souligner le centenaire de l’église paroissiale, ouverte au culte en 1751. La croix au sommet du clocher de l’église primitive est alors soigneusement déplacée et installée sur le toit à la hauteur du sanctuaire, où elle se trouve toujours. Depuis 1751, il y a également sur le terrain de l’église un cadran solaire. Le cadran n’est plus d’époque, mais la poutre de son socle est d’origine. Les flèches des clochers, œuvres de François Dutrissac, datent de 1863. L’agrandissement, de style néo-classique anglais d’inspiration italienne, demeure en équilibre avec la partie de 1750, donnant à l’ensemble légèreté et magnificence.

Le presbytère, à l’est de l’église, et la Maison de l’habitant, à l’ouest, ont été construits en 1883. Le premier sert de résidence pour les prêtres et la seconde est utilisée pour les activités paroissiales. Ces habitations comportent des éléments récupérés d’aussi loin que l’époque du Régime français: des pierres des champs de l’ancien charnier et de l’ancien mur de pierres du cimetière (1750), des fenêtres, corniches et boiseries de l’ancien presbytère (1787) et des pierres de fondation provenant de l’ancien pont des Saints-Anges (1849). La Maison de l’habitant a servi de résidence au sacristain de 1912 à 2007. L’église de La Visitation est classée monument historique depuis 1974. Les autres bâtiments du site se trouvent sur une zone patrimoniale protégée.

Intérieur de l'église

Les trois toiles de la période du Régime français
Il s’agit des trois grands tableaux: La Visitation de Marie à sa cousine Élizabeth, au centre du sanctuaire (1756), Sainte Anne instruisant Marie (1755) et Saint Michel terrassant le dragon (1754). Le curé Chambon a rapporté ces trois œuvres d’un voyage en France en 1756, juste avant la Conquête. Il a fait don à la paroisse de la toile illustrant la Visitation, copie authentique d’un tableau peint au 17e siècle par l’un des deux frères Mignard. Elle sera restaurée en 1986 pour le 250e anniversaire de la paroisse. L’abbé Chambon a choisi la toile de sainte Anne avec la jeune Marie en raison de la dévotion populaire à sainte Anne. Exécutée dans un style intimiste classique par un auteur inconnu, elle sera restaurée à Ottawa par l’Institut canadien de conservation en 1981-82. Quant à la toile représentant l’archange saint Michel, de style classico-baroque, elle est une copie d’un tableau bien connu de Guido Reni. Elle a été placée au-dessus de l’autel latéral droit en guise d’accueil pour les habitants du secteur paroissial de ce qui deviendra le futur quartier Saint-Michel. 
Les deux toiles de la période du Régime anglais
Elles datent de 1834 et sont l’œuvre de Thomas-Henry Valin (1810-1850). Elles se trouvent de part et d’autre du tableau central de la Visitation: à gauche, sainte Catherine d’Alexandrie et à droite, sainte Philomène.

Les maîtres sculpteurs
Philippe Liébert (1732-1804): sculpture d’un premier retable (1764), des deux portes de bois polychrome dans le sanctuaire (1771-72), du tabernacle du maître-autel, incluant le meuble sculpté qui repose sur la table de l’autel (1792).
Louis-Amable Quévillon, né au Sault-au-Récollet (1749-1823): sculpture des tabernacles des autels latéraux (1803), des tombeaux à la romaine du maître-autel et des autels latéraux (1806), du chandelier pascal (1798).

David Fleury David, né au Sault-au Récollet (1780-1841): sculpture du retable, des voûtes du sanctuaire et de la nef et de certaines statues (1816-1831). Ses voûtes comptent parmi les plus belles au pays. M. David a été capitaine de milice au Sault de 1822 à 1826. La rue Fleury porte son nom. Vincent Chartrand (1795-1863): sculpture de la chaire (1836-37), dernière œuvre majeure de la partie plus ancienne de l’église.

Texte: Patrick Goulet
Photos: Léo Lavergne